Expatriation : comment gérer un environnement de travail toxique ?

Vie pratique
  • patron qui crie sur son employe
    Shutterstock.com
Publié le 2024-05-13 à 10:00 par Asaël Häzaq
Mauvaise ambiance au travail, communication impossible, hyper hiérarchisation… Votre vie d'expatrié n'a rien de la vie de rêve. Entre votre entreprise et vous, plus rien ne va. L'environnement toxique vous fait même reconsidérer votre projet d'expatriation. Comment vous en sortir ? Conseils pratiques.

Expatriation : quand l'environnement de travail devient toxique

Peut-être vous reconnaissez-vous dans cette situation : fraîchement arrivé dans votre pays d'accueil, vous avez tout à prouver et ne voulez pas passer à côté de votre chance. Volontaire, vous saisissez la moindre opportunité pour faire valoir vos compétences. Vous ne voyez pas toujours les signaux d'alerte et ne savez pas comment revenir en arrière lorsque vous constatez que votre environnement de travail est loin d'être idéal. Autre cas de figure : la toxicité de votre lieu de travail s'est développée avec le temps. Les premiers mois ou années d'expatriation se déroulent sans accrocs, mais l'ambiance s'est dégradée progressivement ou brutalement (changement de direction ? de service ?) Vous constatez la détérioration de vos conditions de travail, mais là encore, comment agir ?

Comment identifier un environnement de travail toxique ?

Pour identifier une culture du travail toxique, il faut tout d'abord vous défaire de la fausse idée que le problème viendrait de vous. Quitter son pays pour immigrer dans un autre, apprendre sa langue et sa culture du travail, est un défi de chaque instant. Un même travail dans votre pays d'origine et dans le pays d'expatriation n'aura pas forcément la même définition. Mais les difficultés que vous pouvez ressentir sur le plan professionnel ne doivent pas être confondues avec un environnement de travail toxique. Même avertissement concernant d'éventuelles tensions au travail. En revanche, des tensions et des difficultés chroniques peuvent effectivement intoxiquer l'environnement de travail.

Plusieurs signaux vous permettront d'identifier un environnement de travail toxique :

Votre travail n'a aucun rapport avec ce que vous étiez censé faire

Certes, un même travail peut se définir différemment selon le pays dans lequel il est exercé. Vous constatez néanmoins que votre situation n'a rien à voir avec ce que l'entreprise étrangère vous promettait avant de vous embaucher. Ni l'intitulé du poste ni les missions ne correspondent. Bien sûr, ces différences sont à votre désavantage.

Vous êtes victime de discrimination

L'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme rappelle que « toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail [...] Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal. » Nombre d'États ont adopté des règlementations pour lutter contre les discriminations. Mais entre les déclarations et la pratique se cachent de nombreux cas de discriminations qui touchent aussi bien les expatriés qualifiés que ceux occupant des emplois précaires. Ces derniers semblent toutefois davantage exposés au risque de discrimination.

Culture du secret, pas de libre circulation de la parole

Dans un environnement toxique, pas de libre circulation de la parole. L'entreprise fonctionne plutôt par clan, avec une hyper hiérarchisation. On vous fera très vite comprendre qu'il vous faut oublier les pratiques de votre pays d'origine et appliquer celle de votre nouvelle entreprise. Ne pas rentrer dans le rang, c'est désobéir au chef et risquer une sanction. Difficile pour vous de sympathiser avec vos collègues. Tout semble fait pour limiter au maximum la socialisation dans l'entreprise. Mais les « copinages » sont légion, avec toutes leurs dérives : culture du secret, murmures, délation.

Hyper hiérarchisation

Vous étiez habitué à dire votre avis et à être force de proposition. Vous pensiez pouvoir mettre ces compétences au service de votre entreprise à l'étranger. Mais depuis que vous êtes expatrié, vous apprenez plutôt à retenir par cœur l'organigramme de votre société et à ne surtout pas commettre de maladresse. Vous ne pouvez vous adresser qu'à votre supérieur direct. La communication est verticale, et rigide. L'information est toujours descendante : du sommet de la hiérarchie jusqu'aux niveaux inférieurs. Si vous êtes en bas de l'échelle, vous avez un seul droit : appliquer les règles de l'entreprise. Vous avez à peine plus de marge de manœuvre en occupant un poste à responsabilité : votre parole reste liée par celle de vos supérieurs directs.

Toujours coupable, toujours livré à vous-même

Avez-vous bénéficié d'une formation interculturelle dans votre entreprise à l'étranger ? Avez-vous bénéficié d'un tutorat ? Avez-vous un référent ? Très souvent, l'environnement de travail toxique vous enferme. Le climat délétère vous rend suspicieux (à qui faire confiance ?). La moindre erreur vous sera reprochée. Pour l'entreprise, vous êtes toujours présumé coupable.

Il existe d'autres signes d'un environnement de travail toxique : vous constatez un fort turn-over dans votre entreprise à l'étranger ; il ne se passe pas une semaine sans qu'un collègue ne pose un arrêt maladie ; vous n'avez d'ailleurs pas vraiment de « collègues », mais plutôt des « concurrents » ; vous n'arrivez pas à évoluer professionnellement ; vous ne voyez jamais vos responsables. La communication d'entreprise est confuse, vous ne savez jamais ce qu'il se passe vraiment ; vos « collègues » se désinvestissent.

Entreprise toxique : partir ou rester ?

Pour prendre la bonne décision (sans précipitation), prenez le temps de bien analyser votre situation et posez-vous les bonnes questions :

  • Depuis quand cette situation dure-t-elle ?
  • Est-ce la première fois que vous travaillez dans un environnement toxique à l'étranger ?
  • Êtes-vous le seul travailleur étranger à subir cette toxicité ? D'autres salariés étrangers et/ou locaux vivent-ils également la même chose ?
  • Quelle est la nature de votre permis de travail ? Est-il lié à l'employeur ?
  • Où se situe la toxicité dans votre entreprise (management, relations avec les collègues, la direction, etc.) ?
  • Avez-vous constaté des faits anormaux (fort turn over, démissions et/ou arrêts maladie nombreux…) et/ou condamnables par la loi du pays d'accueil (manquement aux règles de sécurité, heures supplémentaires non payées, etc.) ?
  • Quelle est la législation de votre pays d'accueil en matière de protection des travailleurs ? Existe-t-il des dispositifs spécifiques pour protéger les travailleurs étrangers ?
  • Des associations de défense des travailleurs immigrés sont-elles présentes dans votre ville d'expatriation ? Quel accompagnement propose-t-elle ?
  • La toxicité de l'environnement de travail a-t-elle joué sur votre intérêt pour le travail ? sur la ville d'expatriation ? sur votre projet d'expatriation ? Si oui, dans quel sens ?

Les États sont loin d'être égaux en matière de protection des travailleurs étrangers. Le premier conseil est de se renseigner sur les lois du pays d'expatriation en matière de défense des travailleurs. Aux premiers signaux toxiques, on peut tenter le dialogue, le règlement amiable. Est-on le seul à subir cette toxicité ? Si le dialogue est impossible, mieux vaut se rapprocher d'associations de défense des travailleurs, et/ou des services de l'immigration. Les conséquences psychologiques d'un travail dans un environnement toxique peuvent être lourdes et gâcher l'expatriation. D'où l'importance de se faire accompagner par des professionnels extérieurs.

Travail à l'étranger dans un environnement toxique : comment surmonter la situation ?

Comme nombre d'autres expatriés, vous avez certainement bataillé pour obtenir votre visa de travail. Malgré les politiques d'immigration plus ouvertes de certains États, le visa de travail reste difficile à obtenir. D'où votre persévérance malgré votre environnement de travail à des années-lumière de ce que vous aviez espéré. Mais travailler dans un environnement toxique impacte, non seulement la sphère professionnelle, mais aussi la sphère privée. Quitter un tel environnement est souvent la seule solution pour s'en sortir. Car la toxicité au travail peut avoir de sérieuses conséquences sur votre santé physique et mentale.

L'importance de se faire accompagner par un professionnel

Mais comment surmonter cette situation ? Car vous pourriez penser que vous avez raté votre expatriation. Pour éviter de vous incriminer, faites-vous accompagner avant, pendant et après toute prise de décision. Vous pouvez contacter un médecin dans le pays d'accueil ; le mieux est bien sûr de trouver un médecin sensible à votre situation. De plus en plus de pays disent prendre en compte l'urgence de préserver la santé mentale au travail. Mais là encore, il peut y avoir de grandes différences entre les déclarations et les moyens réellement mis en œuvre. Vous pouvez également contacter un coach expert en expatriation.

Votre accompagnement se fera sur le plan professionnel, personnel et éventuellement juridique (démarches pour le visa, plainte déposée contre l'entreprise...). Cette approche globale vise à vous redonner confiance en vous, et à cibler vos nouveaux objectifs. Quelle est votre situation au sortir de cette expérience professionnelle (santé mentale, finances, projet d'expatriation...) ? Comment voyez-vous votre travail ? le pays d'expatriation ? Avez-vous de nouvelles aspirations ? Il ne s'agit pas de répondre tout de suite à ces questions.

Surmonter une expatriation économique dans un environnement toxique prend du temps. Avant de postuler de nouveau ou d'entreprendre un autre projet professionnel. Essayez de détacher l'entreprise de la ville d'expatriation. Si vos finances vous le permettent, voyagez dans le pays d'expatriation (mais même un tour dans la ville suffit). En clair : prenez du temps pour vous, et prenez du recul. Une expérience négative ne signifie pas l'échec de votre expatriation.